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Page:Leroux - La Machine à assassiner.djvu/207

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LA MACHINE À ASSASSINER
203

Elle regarda dans un doux anéantissement cette coupe pleine de son sang que Saïb Khan portait aux lèvres de Dourga, laquelle ouvrit les yeux et lui sourit de sa bouche affreusement écarlate en prononçant des paroles que Christine ne pouvait comprendre.

Elle vit tous les autres initiés boire tour à tour à la même coupe.

Elle assista (hébétée et lointaine… oh ! combien lointaine !) à la cérémonie de Dourga ressuscitée et dansant, sans s’épuiser cette fois, la danse de la Vie et de l’Amour, en ne la quittant pas des yeux.

Enfin Dourga remonta, toujours dansant comme transportée dans un vol de victoire jusqu’à son trône noir et or… où elle s’assit dans une immobilité subitement retrouvée de déesse.

Elle allait disparaître, comme elle était apparue, quand Saïb Khan fit un geste.

Les musiques cessèrent, et dans l’air lourd de parfums et de sang, ces paroles montèrent :

— Dourga !… Tu n’es point seulement la déesse de la vie et de la mort… Tu es encore la grande distributrice… Ta main droite est pleine de bienfaits, ta gauche pleine de châtiments !… Voilà pourquoi il est juste que l’on t’offre le sang vierge et qu’on te sacrifie l’impie !… Sache que c’est la dernière fois que nous t’appelons ici !… Nous ignorons encore où les Assouras donneront leur prochain festin !… C’est la folie indiscrète du plus humble de nos serviteurs qui nous chasse de ce temple et commande notre exode !… L’ingénuité stupide et les jeux dangereux d’un pauvre petit animal ont répandu l’émoi dans la Cité et soulevé contre tes serviteurs l’indignation des ignorants… Ce petit animal, nous te l’offrons !… Que la fumée de son sang te soit agréable ! Nous implorons ton pardon !…

Là-dessus, on vit apparaître à nouveau le géant Sangor