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Page:Leroux - La Machine à assassiner.djvu/216

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GASTON LEROUX

Ah ! quel succès eut le petit vieillard épileptique !

« Le siphon de Gabriel !… »

Un autre cria :

— Moi, je veux des nouvelles de son barbotage !…

Ce fut la fin !

Un fou rire étouffa les protestations indignées des jeunes et de la phalange.

Sur la proposition de M. le doyen Ditte, on déclara la discussion close et l’on passa aux voix.

M. le président Tirardel se leva et prononça ces paroles historiques qui rendaient compte du vote :

— À la majorité, non ! la poupée sanglante ne peut pas exister !

Il n’avait même pas eu la patience d’attendre que l’on finît de dénombrer les voix. Cette majorité était tellement écrasante !…

Enfin ! la raison, la raison humaine, telle que l’envisageaient certains savants de la fin du dernier siècle, avait vaincu !

À ce moment, comme on congratulait le président Tirardel, un huissier vint lui apporter un mot de la présidence du conseil.

M. Tirardel reconnut l’écriture du ministre et s’empressa de décacheter…

Il poussa aussitôt un cri lamentable, quelque chose comme le gémissement d’une bête qui se sent tout à coup frappée à mort.

Toutefois, il voulut finir en beauté. Il eut encore la force de se soulever. Le noble vieillard se dressa au-dessus de la foule de ses confrères comme un spectre.

— Messieurs ! Je viens de recevoir la nouvelle que la Sûreté générale a enfin arrêté la poupée sanglante !

Ce qu’il ne dit pas, c’est que le ministre avait ajouté de sa propre main : « Attention, pas de bêtises ! »

Elle était faite, la bêtise !