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Page:Leroux - La Machine à assassiner.djvu/244

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GASTON LEROUX

le maire et le curé émettaient l’avis que l’on étendît tout de suite le marquis et la marquise chacun dans son tombeau, il se passa brusquement un de ces événements qui ne peuvent survenir qu’à de certains moments où l’âme des foules est emportée comme malgré elle dans un fatal tourbillon et lui fait accomplir des gestes définitifs dont personne, en particulier, ne saurait être responsable.

Il ne faut pas oublier que, pour la grande majorité, c’était bien l’empouse sortant de son tombeau qui était venue retrouver son bourreau en deçà des limites de la mort… Pour ceux-là, il fallait délivrer le pays de ce cauchemar qui durait depuis des mois. Il y avait trop de fantômes dans les nuits de Coulteray !

Que dit la tradition contre les vampires qu’ordonne-t-elle ?… Les brûler !…

Sans même que l’on se fût concerté, sans qu’un mot eût été prononcé, les gestes nécessaires étaient faits… Dans la nuit d’argent, des ombres noires dressaient au milieu de la bâille un énorme bûcher…

Tout ce que l’on avait trouvé de bois à brûler dans les environs s’accumulait là comme par enchantement ; des bidons d’essence que Verdeil apportait lui-même furent vidés sur le bois desséché par l’hiver… Les deux corps furent placés là-dessus, côte à côte… Le maire et le curé s’étaient enfuis… Bientôt une flamme s’éleva, gigantesque, faisant surgir le vieux château comme du fond de l’histoire de France, un jour de massacre et d’incendie…

Longtemps cette fournaise tordit ses écharpes écarlates au-dessus de la Prée… puis, peu à peu, elle calma sa fureur dévoratrice… ne sembla plus être bientôt qu’une lueur joyeuse et amie comme un feu de la Saint-Jean, souvenir apaisé de la cruelle flamme druidique…