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Page:Leroux - La Machine à assassiner.djvu/42

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GASTON LEROUX

de l’île avec Christine dans les bras… Se sachant poursuivi de près, il lui fallait momentanément trouver une retraite coûte que coûte… Après s’être réfugié chez Mlle Barescat, il se cachait maintenant chez M. Birouste, en attendant mieux. On ne lui donnait pas le temps de souffler.

Du reste, il ne soufflait pas !…

Nous ne saurions dire non plus qu’il avait, en dépit de tous ces avatars, l’haleine égale… car, bien qu’il eût la bouche entr’ouverte (sur des dents d’une beauté éblouissante), l’effet de la respiration ne produisait chez lui aucun mouvement appréciable… ni sa bouche, ni ses mains, ni aucun trait de son visage ne remuaient. Les vers de Baudelaire semblaient avoir été faits pour ce merveilleux échantillon de la beauté masculine :

Je hais le mouvement qui déplace les lignes ;
Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris…

Un qui ne riait pas et qui était bien près de pleurer était M. Birouste. Le premier geste de l’herboriste, à la vue du fatal browning, avait été de rejeter à nouveau ses mains en l’air pour qu’il fût bien entendu, une fois pour toutes, qu’il était tout à fait décidé à n’opposer aucune résistance au cataclysme qui semblait le poursuivre avec un soin si particulier. Sur quoi, Gabriel lui adressa un geste amical qui, certainement, voulait lui dire : « Baissez les mains, monsieur Birouste, je ne vous veux aucun mal ! »

Tout de même comme Gabriel ne remettait pas son revolver dans sa poche, M. Birouste laissa ses mains où elles étaient. Il n’y avait rien à faire. Il ne voulait donner aucune occasion à son hôte de commettre un crime qui eût été, du reste, tout à fait inutile !

Enfin, M. Birouste, pour ne point glisser sur le plancher, se laissa tomber sur une chaise… et là, il trouva encore la force de prononcer ces mots (car, lorsqu’on croit sa