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Page:Leroux - La Machine à assassiner.djvu/44

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GASTON LEROUX

aussi exceptionnel… J’ai ce qu’il vous faut !… Vous pensez !… Un herboriste !… Je vais vous chercher ça !

Et déjà il dégringolait dans sa boutique, peut-être avec la vague espérance de s’enfuir… est-ce qu’on sait jamais ?… Mais Gabriel, après avoir fermé la porte de la chambre à clef, dégringolait derrière lui…

Notre herboriste avait une façon particulière de traiter le pavot dont il gardait, autant que possible, le secret, à moins qu’on ne le lui achetât un bon prix. C’est pour rien qu’il donna à Gabriel un flacon grâce auquel celui-ci eût pu endormir une famille entière…

Quand ils remontèrent de compagnie (ils ne se lâchaient plus), ils trouvèrent Christine étendue au milieu de la chambre ; de toute évidence, elle avait voulu tenter quelque chose pour échapper à l’affreux destin qui la menaçait, mais ses forces l’avaient trahie… Gabriel la ramassa fort tendrement et fort doucement, la recoucha sur le lit et, pour qu’elle ne renouvelât point des efforts qui, dans son état de faiblesse, pouvaient lui être funestes, lui fit boire, aidé de M. Birouste, la dose de sommeil nécessaire à un repos bien gagné…

Après quoi, Gabriel s’assit au chevet de Mlle Norbert et se prit la tête dans les mains… Il paraissait parti pour un rêve sans fin…

Derrière lui, M. Birouste n’osait bouger… ce n’était point l’envie qui lui en manquait… mais il craignait qu’un mouvement mal interprété…

Quelle nuit !… elle semblait ne jamais devoir finir !… Dehors, le vent était tout à fait tombé… il n’y avait plus que le silence, un silence affreux dans lequel M. Birouste n’entendait que le bruit de son cœur… pan !… pan ! pan !…

Oh ! certes ! il y avait là de quoi attraper une maladie sérieuse… S’il ne sortait pas de cette nuit-là avec une lésion, c’est qu’il avait le cœur solide !…

Quelle veillée ! Sur le guéridon une petite lampe était allumée dont Gabriel avait baissé l’abat-jour…