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Page:Leroux - La Machine à assassiner.djvu/59

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LA MACHINE À ASSASSINER
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intervention, toute brutale qu’elle fut, car elle me procure un témoignage qui viendra renforcer mes dires, s’il y avait de méchants esprits pour mettre en doute mon honnêteté qui est, avec la charité, ma seule raison d’être ici-bas.

— Vous avez l’estime de tous ceux qui vous connaissent, monsieur Lavieuville, protesta l’horloger… mais il ne s’agit pas de quinze mille francs…

— Ah ! pardon, pardon !… il s’agit parfaitement de quinze mille francs… pas un sou de plus, pas un sou de moins !

— Monsieur Lavieuville ! ayez pitié de l’état dans lequel vous nous voyez !… Dites-nous ce qui vous est arrivé !…

— Ces quinze mille francs appartiennent à la « fabrique ». J’avais mission de les convertir en bons de la Défense nationale et comme mon dessein, après avoir entendu la messe de six heures et avoir fait ma tournée quotidienne chez quelques familles pauvres du quartier et des environs, était de passer à la banque, je les avais emportés sur moi et serrés dans mon portefeuille. Au premier coup de la messe, je quittai mon domicile, je sortis ma petite auto à conduite intérieure du garage, qui venait d’ouvrir, je montai dans ma voiture. À ce moment, je voulus régler une petite note que je devais au gardien, je pris dans la poche intérieure de ma redingote mon portefeuille et en sortis un billet de cinquante francs, sur lequel le gardien me rendit quarante-cinq centimes de monnaie. Tout en comptant cette monnaie, avant de la glisser dans ma poche, je ne m’aperçus pas qu’au lieu de remettre le portefeuille dans la poche de ma redingote, je le plaçais dans la poche intérieure de mon pardessus.

« Mon pardessus, monsieur, est une véritable houppelande doublée de peau de lapin, au col garni de faux astrakan… C’est la fourrure qui convient à un homme de mon caractère qui a consacré le peu qu’il possède