Aller au contenu

Page:Leroux - La Machine à assassiner.djvu/78

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
74
GASTON LEROUX

les bords du petit étang aux eaux de plomb… Et ils savaient que le pavillon abandonné qui dressait son ombre lugubre devant eux était la sinistre demeure dont on avait tant parlé… Il paraissait clos comme une tombe ; tout y était fermé, barricadé… Visage de bois, visage de brique, visage de glace sous son épais voile d’hiver… spectacle qui donnait le frisson… Ils en firent le tour, en proie aux pensers les plus sombres… Là, Christine avait poussé son premier cri de détresse… Où était-elle maintenant, Christine ?

Tout de même ; si l’autre était vraiment innocent, on pouvait encore espérer… Ils espérèrent. Rien jusqu’alors ne leur signalait son retour dans cet affreux pays où les crimes continuaient.

Ils gravirent le coteau à travers bois, puis redescendirent dans la vallée des « Deux Colombes », sachant qu’ils trouveraient sur leur route l’auberge de « l’Arbre Vert » et la mère Muche, qui avait eu son rôle au procès.

Et maintenant ils étaient en face de leur soupe, dans la salle basse et ils faisaient bavarder l’hôtelière, chose qui n’était point difficile. Elle avait acquis de l’importance depuis la dernière affaire. Celle-ci la remettait au premier plan. Sa photographie avait paru dans les journaux. Elle n’en était pas plus fière pour cela, mais elle était contente d’elle et de tout le monde et pleine de bonne volonté pour le client.

Elle, non plus, elle n’avait vu personne qui ressemblât à celui dont ces messieurs lui faisaient la description. Pensez donc ! elle l’aurait bien remarqué !… Un homme avec une casquette de loutre, un paletot garni de faux astrakan et des bottes à revers !

Et elle les laissa là :

— Je vous demande pardon, on me réclame en haut dans le « cabinet particulier ! » Et vous savez, ces messieurs sont exigeants !… Des gens de la haute, des lords et des sirs, des Anglais amis de la Dourga, qui ne pouvait