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Page:Leroux - La Machine à assassiner.djvu/77

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LA MACHINE À ASSASSINER
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nuaient » et l’on rappelait qu’il avait crié jusque sous le couteau de la guillotine : « Je suis innocent ! »

C’est sur ces entrefaites que le vieux Norbert et Jacques Cotentin arrivèrent à « l’Arbre vert ». Ils ne connaissaient point le pays. On ne les connaissait pas. La mère Muche les accueillit avec le sourire. Nous avons dit précédemment que Mme Muche avait retrouvé toute sa bonne humeur naturelle depuis la mort de son mari. Il n’y avait certes pas, dans les derniers événements, de quoi transformer cette bonne humeur en tristesse. Certes, elle avait été peinée, car elle avait bon cœur, de la fin prématurée de sa servante, mais celle-ci était depuis trop peu de temps à « l’Arbre Vert » pour que sa patronne eût pu concevoir pour elle des sentiments d’amitié ou même un simple attachement, et comme, à la suite de ce mystérieux trépas, l’auberge ne désemplissait plus, Mme Muche en eut bientôt oublié la cruauté pour ne plus voir que ce qu’il lui rapportait…

La saison d’hiver était d’ordinaire à peu près nulle à « l’Arbre Vert ». Or, jamais Mme Muche n’avait fait de meilleures affaires !… La police, la justice, les journalistes étaient devenus ses clients habituels et lui faisaient une réclame qui attirait chez elle tout le département ! Le dimanche, on venait même de Paris, en partie fine. Le soir, l’auberge se vidait, chacun rentrant chez soi et les journalistes courant à leur rédaction.

C’est le soir que survinrent l’horloger et son neveu. Ils demandèrent à souper et deux chambres.

Avant de venir échouer à « l’Arbre Vert », ils avaient passé par Corbillères, où ils étaient descendus du train… Là, ils avaient posé d’adroites questions, mais rien dans les réponses ne pouvait les inciter à croire que Gabriel fût venu dans le pays. Le paletot de fourrure garni de faux astrakan et la casquette de loutre y étaient inconnus. Les deux hommes étaient descendus ensuite dans la solitude désolée du marécage… Ils étaient arrivés sur