Aller au contenu

Page:Leroux - La Machine à assassiner.djvu/86

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
82
GASTON LEROUX

Jacques fit jouer son briquet, trouva sur une table une bougie à demi consumée dans son bougeoir, l’alluma…

Ils étaient dans la fameuse cuisine en face du fameux poêle qui devait atteindre quelques semaines plus tard, aux enchères publiques, un prix exorbitant.

Non, il n’y avait plus personne dans Cette affreuse demeure, mais à maints indices, ils reconnurent qu’on l’avait habitée, il n’y avait pas bien longtemps !…

Où donc aurait-il été mieux que là, pour y cacher sa dernière proie ?… Il était bien sûr que personne ne viendrait l’y déranger ! Cela avait dû être la première pensée de son cerveau, au sortir du coma mortel où l’avait plongé le geste du bourreau…

Quand on se réveille, on retrouve souvent la pensée sur laquelle les paupières se sont closes… Corbillères, où Christine était venue si imprudemment se jeter, en quelque sorte, dans ses bras !… Et, rouvrant les yeux, il s’était retrouvé en face de Christine !… Vite, il l’avait emportée jusqu’ici pour y achever peut-être l’œuvre de sang qu’on ne lui avait pas laissé le temps d’accomplir ! Le vieux Norbert pensait avec horreur, en dépit des paroles qui voulaient être rassurantes de Jacques Cotentin, auxquelles celui-ci ne croyait peut-être pas lui-même, que telle avait dû être l’idée fixe de leur Gabriel, idée qu’il avait suivie, du reste, avec une astuce que tout dénonçait !…

Cette fuite dans la direction opposée au pays qu’il voulait atteindre, dans le dessein de dérouter toutes les poursuites, à partir de Pontoise d’où il devait être revenu brusquement sur Paris par Pierrelaye, alors qu’on le cherchait du côté de l’Isle-Adam ou de Chars… cette fuite était un chef-d’œuvre !… Elle avait été conçue avec une lucidité qui aurait pu remplir le prosecteur d’orgueil pour son ouvrage, mais qui faisait battre le cœur du vieil horloger d’épouvante et aussi d’un ressentiment tragique à l’endroit de son neveu !…