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Page:Leroux - La Poupée sanglante, 1924.djvu/103

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LA POUPÉE SANGLANTE

croit que son mari passe ses nuits à lui sucer le sang… on ne s’ennuierait pas dans les salons, ni à Montmartre, ni aux revues de fin d’année, je vous prie de le croire !… Voilà pourquoi on la surveille tant… Un mot imprudent et Georges-Marie-Vincent n’a plus qu’à retourner au Thibet !…

Comme je ne disais rien, elle continua :

Elle ne vous a jamais montré le bobo qu’elle a dans le cou ? Non !… c’est peut-être qu’il est guéri pour le moment !… mais je suis tranquille ! au premier bouton qui lui poussera sur l’épaule, « vous n’y couperez pas !… » Mon ami, vous passez maintenant par les étapes qu’elle m’a infligées… Elle vous montrera la petite piqûre par le truchement de laquelle cet affreux marquis lui prend son sang et sa vie !… vous ne riez pas ?

— Ma foi, non !… répondis-je… Le marquis a sans doute raison de craindre le ridicule, mais la plus à plaindre, c’est encore elle, assurément !…

— Vous avez raison !… répliqua Christine en reprenant son air le plus sérieux… il n’y a plus qu’à prier pour elle !

— Priez pour elle ! répéta une voix qui jusqu’alors ne s’était guère fait entendre…

Je fus surpris du ton sur lequel M. le prosecteur avait prononcé ces quelques paroles :

— Vous ne croyez pas aux vampires, monsieur ? demandai-je en souriant, cette fois…

— Monsieur, me répondit Jacques Cotentin. Je crois à tout et je ne crois à rien. Nous vivons dans un temps où le miracle d’hier crée l’industrie de demain. Dans tous les domaines nous nous heurtons à des hypothèses contradictoires. La science se promène incertaine dans ce chaos de points d’interrogation qu’est notre petit univers. Y a-t-il plusieurs mondes ? Edgar Poe, l’un de nos plus