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Page:Leroux - La Poupée sanglante, 1924.djvu/114

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LA POUPÉE SANGLANTE

Les « joyeux soupeurs » essayent plusieurs fois d’entrer en conversation avec mon homme.

— Eh ben ! père Macchabée, ça a été, aujourd’hui, la distribution ?

Le père Macchabée finit par s’énerver et, pliant son journal du soir qu’il lisait tout en mangeant, toise son interlocuteur du haut en bas, semble apprécier sa structure squelettique à sa juste valeur et lui jette d’une voix douce, du reste, qui contraste avec son aspect rude et sauvage…

— Toi, mon vieux, à la distribution, je ne donnerais pas dix francs de ta carcasse, même au prix qu’est le change !

Plus de doute, le père Macchabée est garçon d’amphithéâtre ou quelque chose d’approchant :

— Te fâche pas, Baptiste, fait l’autre en se levant. S’il n’y a plus moyen de plaisanter !…

J’attends que Baptiste soit parti… et par la conversation des « joyeux soupeurs », qui sont eux aussi « de la partie », employés dans les hôpitaux de la rive gauche, j’apprends que Baptiste est un ours, jamais à la rigolade… Paraît que c’est un ancien maraîcher ruiné par la grêle et les usuriers, recueilli par Monsieur Jacques Cotentin (ils parlent de M. Jacques Cotentin sur le ton du plus grand respect), qui l’a fait entrer aux « travaux pratiques », puis qui s’est mis à s’en servir pour ses travaux particuliers… C’est lui qui lui met de côté les pièces anatomiques dont le prosecteur a besoin pour ses expériences personnelles…

On a mis, à l’école, à la disposition du prosecteur, et à de certaines heures qui ne gênent personne, un pavillon dans lequel Jacques Cotentin et le père Macchabée s’enferment… Tout cela en marge des règlements… Mais personne ne réclame… Tout est permis à Jacques Cotentin… Ce Jacques Cotentin est donc un génie ?…