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Page:Leroux - La Poupée sanglante, 1924.djvu/123

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LA POUPÉE SANGLANTE

nous expliqua-t-il… Moi, je ne l’ai point vue, mais Sing-Sing, qui sortait du garage, l’aperçut au moment où elle jetait son cri de la crise ! Et aussitôt, dans une clameur désespérée que je ne lui avais pas entendue depuis longtemps, elle courait au premier étage s’enfermer dans sa chambre… Moi, j’étais dans mon bureau quand tout ce tumulte éclata… Je n’avais pas besoin d’explications… Je savais de quoi il était encore question… Nous courions déjà tous derrière elle… Il fallut forcer sa porte… Vous en savez maintenant autant que moi, ajouta-t-il en se tournant de mon côté, puisque personne n’ignore plus rien de mon malheur !…

Christine et moi, nous regagnâmes notre bibliothèque, elle très attristée, moi de plus en plus agité…

— Que vous semble de tout ceci ? me demanda-t-elle.

Je lui dis :

— Christine, quand nous sommes entrés dans la chambre, avez-vous remarqué la figure du marquis ?

— Non ! je ne regardais que la marquise !…

— Eh bien ! moi, j’ai regardé le marquis… Il n’était pas beau à voir, vous savez !… Ses yeux sanguinolents paraissaient prêts à jaillir de ses orbites comme deux billes de rubis, sa bouche s’ouvrait sur une dentition ardente, féroce et toute sa figure ressemblait à un de ces masques japonais fabriqués pour terrifier l’ennemi ! Je n’ai jamais rien vu de comparable à cette vision si ce n’est l’air férocement joyeux du buste du marquis de Gonzague que l’on cache soigneusement à Mantoue, au rez-de-chaussée du Muséo Patrio, dans une petite salle de débarras, recevant le jour par la place Dante… Ce marquis-là avait cet air,