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Page:Leroux - La Poupée sanglante, 1924.djvu/129

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LA POUPÉE SANGLANTE

— Dites-moi, mon ami, c’est vrai que vous avez une charmante maison de campagne ?

Je m’attendais si peu à cette question que j’en fus tout bouleversé…

— Pourquoi, pourquoi me demandez-vous cela ?

Elle me considéra avec un étonnement profond :

— Mais… qu’est-ce qui vous trouble ainsi ?… Ma question n’a rien que de très naturel…

— Pourquoi me parlez-vous de ma maison de campagne ?…

— Mon Dieu, si j’avais su… vous voilà tout pâle !… C’est le marquis qui m’a dit : « M. Bénédict Masson a une charmante maison de campagne… je m’étonne qu’il ne vous y ait pas encore invitée !… »

— Comment sait-il que j’ai une « charmante » maison de campagne ? Christine ! Christine !… ma maison de campagne n’est pas charmante, c’est la plus triste, la plus mélancolique demeure que l’on puisse rencontrer entre la lisière d’un bois et un étang noir, limoneux, aux eaux de plomb !… Christine, je ne vous y inviterai jamais !… et n’y venez jamais !…

Elle était de plus en plus stupéfaite :

— Quel drôle de garçon vous faites ! finit-elle par dire… Si je m’attendais à cette… véhémence !… bien, bien, mon ami, je n’insiste pas…

— Le marquis ne vous a pas dit comment il savait ?

— Mais si… Il a eu, un moment, l’intention d’acheter d’immenses terrains du côté de Corbillères-les-Eaux… C’est bien par là, n’est-ce pas ?

— Oui… moi, je suis sur l’étang… tout au bord de l’étang… de l’étang noir !…