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Page:Leroux - La Poupée sanglante, 1924.djvu/143

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LA POUPÉE SANGLANTE

fureur si elle est un piège… mais plus mou qu’Hercule aux pieds d’Omphale si elle vibre d’une véritable tendresse, comme parfois, j’ai osé l’espérer et comme je veux le croire, ce soir !… Ou vous allez me chasser avec des mots rudes, ou vous allez avoir pitié d’un damné !… Oh ! je m’entends… et rassurez-vous !… Vous avez promis de justes noces à un homme que vous n’aimez pas… et vous lui apporterez un corps vierge ! c’est sublime !… Mais puisque vous avez des sentiments pour moi (parole naïve, populaire et charmante, qui a la douceur de la rose sur le gril où se tord le prince des Aztèques), vous allez cesser de me mentir ! Christine ! Christine ! ce n’est pas un profil d’argent que je vous ai vu embrasser !… Cette belle image a un nom. ; elle s’appelle Gabriel !…

L’effet fut foudroyant. L’ombre de Christine se dressa dans l’encadrement de la fenêtre… Et elle se pencha sur moi, si près que je sentis son souffle haletant sur mon front baigné de sueur…

— Comment savez-vous ?… comment savez-vous ?…

Alors, je lui dis tout… Je ne voulus rien lui cacher de mon honteux espionnage… je lui retraçai, assez crûment, du reste, les scènes auxquelles j’avais assisté…

Elle me donnait à peine le temps de respirer : « Et après ?… Et après ?… » me pressait-elle…

Après, je lui dis comment j’avais cru à la mort du mystérieux étranger, comment il m’était apparu convalescent… enfin ce fut l’horreur de l’opération et son dévouement à elle ! et son angoisse…

— J’espère, terminai-je sur le ton de la plus triste ironie, qu’il est maintenant hors de danger !

Elle ne répondit point à ces dernières paroles…