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Page:Leroux - La Poupée sanglante, 1924.djvu/145

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LA POUPÉE SANGLANTE

dre, bien qu’il ait été fort malmené… par votre père… Tout compte fait, je voudrais être à la place de votre séquestré, moi ! — Vous continuez à me faire souffrir, Bénédict !… d’un mot, je pourrais vous faire taire, mais ceci n’est point mon secret… et j’ai juré à Jacques… (elle s’arrêta et je ne sus jamais ce qu’elle avait pu bien jurer à Jacques). Finissons-en en ce qui concerne Gabriel !… Je puis vous jurer à vous, mon cher et tendre ami, je puis vous jurer que mon affection pour ce bel étranger n’a jamais dépassé les limites d’un amical abandon. Oui, ma tête a porté sur son épaule. Oui, mes lèvres se sont posées sur sa joue. Oui, j’ai embrassé sa beauté !… Hélas ! hélas ! celui-là non plus, je ne peux plus l’aimer !… Il n’a que sa beauté pour lui ! C’est une tête vide, comprenez-vous ?

— Les imbéciles sont bien heureux ! répliquai-je dans un rire diabolique… Fichtre ! Christine, s’il vous faut, pour être heureuse, le profil de l’Apollon Pythien, la pensée d’un Jacques Cotentin…

— Et le cœur embrasé de Bénédict Masson ! acheva-t-elle à mi-voix.

— Tout cela dans un même homme ! repartis-je sur un ton de plus en plus sauvage… Peste, ma chère, nous ne sommes près, ni les uns, ni les autres, du paradis !…

— Bénédict, Bénédict, calmez-vous !… vous ne m’avez jamais parlé ainsi !… vous m’effrayez !

— J’envie l’homme à la tête vide !… fis-je, et là-dessus j’éclatai à mon tour en sanglots comme un enfant de dix ans…

Elle eut encore le tort, le grand tort de se rapprocher davantage dans un mouvement qui n’était, qui ne pouvait être que de pitié et qui