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Page:Leroux - La Poupée sanglante, 1924.djvu/149

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LA POUPÉE SANGLANTE

Marais et marécages, étangs couverts de plantes d’eau, gardés par des saulaies désolées, par des boqueteaux sauvages, domaine immense du gibier d’eau et des poissons, et cependant peu fréquenté des chasseurs et des pêcheurs parisiens qui aiment la joie du décor et les gaietés de la guinguette.

Pour se rendre chez Bénédict Masson en quittant la gare, on suivait d’abord la route communale, puis on la quittait pour des sentiers étroits, humides et bourbeux, même au temps des chaleurs, et, après avoir cheminé une demi-heure environ entre des rives mal définies, entrevues à travers une muraille de roseaux, dissimulées sous le cœur flottant des nénuphars, on entrait dans une espèce de cirque fermé par un petit coteau sombre et boisé qui se reflétait dans les eaux noires d’un étang.

La maison était entre l’étang et le bois.

Elle eût, du reste, été assez coquette, avec ses briques et son toit d’ardoise, si elle eût été moins délabrée, si son jardin de curé avait été bien tenu, si son potager avait été cultivé… Mais depuis qu’elle appartenait à Bénédict Masson fils, celui-ci n’en prenait guère soin, se refusant à toutes réparations, ne voulant point d’homme de peine chez lui, pas même de domestique à demeure…

Il tenait cette petite propriété de son père qui avait été un pêcheur et un chasseur enragé et qui avait fait élever cette bicoque dans un pays qui, pour lui, était une contrée de rêve, où il venait passer ses vacances et s’installer sitôt qu’il avait vingt-quatre heures de liberté.

Le père de Bénédict Masson avait fait de bonnes petites affaires dans la reliure populaire et laissé à son fils une somme assez rondelette avec laquelle celui-ci s’était payé le luxe de parcourir