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Page:Leroux - La Poupée sanglante, 1924.djvu/154

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LA POUPÉE SANGLANTE

chasse établi dans une vraie maison… un chalet comme il convient à un vrai garde, et cela en refusant sa propre maison, celle de Bénédict Masson lui-même, à un « gros bonnet », qui ne demandait pas mieux que de louer tout le pays environnant, chasse et pêche, et qui aurait fait du père Violette son homme, et qui l’aurait installé là jusqu’à la fin de ses jours, assurément, car le marquis de Coulteray (c’est de lui qu’il s’agit) semblait avoir alors sur cette contrée des desseins bien arrêtés…

Comme en vrai seigneur du temps jadis, il tenait à dominer tout le pays, à n’être gêné par personne autour de la grande propriété qu’il avait achetée de l’autre côté du vallon, par delà le bois, et où sa maîtresse, une danseuse célèbre, paraît-il, une Indienne nommée Dorga, donnait chaque année, à des dates fixes, des fêtes auxquelles on venait de loin, de très loin, même d’Angleterre… Mais cette brute de Bénédict Masson, qui ignorait tous ces détails, n’avait rien voulu savoir.

Le père Violette était allé un jour chez le relieur pour le tâter. Il avait été mis à la porte comme un voleur. Il n’avait pas même eu à prononcer le nom du marquis. On ne lui avait pas laissé prononcer dix paroles… Et le marquis s’était tout de suite désintéressé de l’affaire… l’ancien garde ne l’avait même plus revu…

Eh bien ! cette raison que le père Violette avait de détester Bénédict Masson, raison qui avait bien son importance, n’était point la plus forte. La première de toutes et la plus lointaine était que cet affreux garçon, laid comme les sept péchés capitaux, lui gâtait son marécage, non point parce que Bénédict Masson était repoussant à voir, mais parce que le père Violette ne pouvait comprendre ce que l’autre était venu y faire.