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Page:Leroux - La Poupée sanglante, 1924.djvu/193

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LA POUPÉE SANGLANTE

— Mais je ne veux pas partir sans ma malle !…

— S’il n’y a que ça, j’irai la chercher, moi, ta malle !

— Non ! ne faites pas ça !… Il arriverait un malheur !… Ah ! ce qu’il est monté contre vous !… Mais voilà ce que vous pourriez faire… Envoyez-moi Bicot, le garçon de l’auberge, avec un charreton, vers les trois heures… Le Peau-Rouge (c’est bien comme ça qu’on l’appelle à Corbillères) sort tous les jours après déjeuner et va rôder dans les herbes, je ne sais où… faire sa sieste… On ne le revoit pas avant quatre heures… Picot prendra ma malle et je le suivrai… Vous surveillerez de loin !… Mais ne vous montrez pas, je vous dis, car il pourrait y avoir du vilain… et ce n’est pas vous qui arrangeriez les affaires, je vous le dis !…

Le soir même, à l’Arbre Vert, le père Violette rapportait à la mère Muche la dernière conversation qu’il avait eue avec Anie ;

— J’ai fait ce qu’elle a voulu, lui expliqua-t-il, j’ai prévenu Bicot… À trois heures, je me tenais prêt à tout derrière la petite saulaie, Bicot est arrivé avec son charreton. Il a sifflé… la fenêtre de la chambre s’est ouverte, mais c’est le Bénédict Masson qui a montré sa sale gueule.

» — Qu’est-ce que vous voulez ? a-t-il demandé rudement à Bicot.

» — Ben m’sieur, je viens chercher la malle d’Anie ! a répondu l’autre qu’était pas à la noce.

» — Anie a changé d’avis !… Elle ne part plus ! lui a jeté le Bénédict et il a refermé la fenêtre… et le Bicot est rentré au village avec son charreton.

» J’avais bien envie de me montrer, mais je me suis dit ; « À quoi bon ? Ça pourrait tout gâter ! Vaut mieux attendre la petite ! » Mais la petite n’est pas ressortie, pas plus que le Bénédict, du reste ! Qu’est-ce que vous en pensez, mère Muche ?