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Page:Leroux - La Poupée sanglante, 1924.djvu/201

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LA POUPÉE SANGLANTE

tine fut mise dans une chambre de l’auberge. Elle avait une forte fièvre et elle délirait.

Quant à Bénédict, que l’on avait jeté sur une botte de paille dans l’écurie et que les gendarmes veillaient moins dans la crainte qu’il ne s’échappât que pour qu’on ne l’achevât point, il poussa un profond soupir vers les deux heures du matin, se dressa sur son séant, se passa la main sur son front moulu par les coups, sembla, à la lueur de la lanterne accrochée à la muraille, chercher quelqu’un qu’il n’aperçut point, découvrit enfin sur le seuil, assis sur des sacs, les deux gendarmes qui le regardaient et dit fort distinctement et sans émotion apparente :

— Je suis innocent !

Les représentants de la maréchaussée ne le contredirent point. Alors, il demanda de l’eau.

— Il me semble que je boirais une cuve ! fit-il.

Un gendarme lui apporta de l’eau dans un seau qui servait pour les chevaux. Il but à même, à sa soif qui était longue, puis il se mit le torse nu et lava ses plaies.

— Ils n’y vont pas de main morte les gars de Corbillères ! déclara-t-il.

Et il se mit à rire.

Les gendarmes en avaient « froid dans le dos ». Ils l’ont dit depuis : jamais ils n’avaient entendu un rire pareil… C’était à abattre ce monstre sur place, à coups de revolver, pour ne plus l’entendre…

Ce fut bien autre chose quand il se mit à railler…

— J’espère qu’on a pris soin de ma belle visiteuse, fit-il… C’est une jeune fille de famille qui n’a pas l’habitude des marécages… Elle aura pris froid !… tandis que l’autre avait trop chaud !

Ils se jetèrent sur lui, lui passèrent les menot-