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Page:Leroux - La Poupée sanglante, 1924.djvu/210

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LA POUPÉE SANGLANTE

— Partons ! dit tout de suite Christine à Jacques Cotentin… Nous n’avons que trop attendu ! C’est moi qui, par mon scepticisme, mon orgueil, ma « suffisance » aurai peut-être été la cause de la mort de cette malheureuse !… Si nous avons encore une chance de la sauver, ne la laissons pas échapper !… Mes remords sont déjà immenses !… Je me suis crue très intelligente et je ne suis qu’une sotte, d’une sottise criminelle !… Mon calme à juger les gens et les choses, l’équilibre tant vanté de mon esprit n’étaient que l’armature d’une bêtise qui m’épouvante… Est-ce que tu es calme, toi ?… Oui, peut-être aux yeux des imbéciles !… Mais j’ai toujours vu ton esprit inquiet !… Rien ne t’a jamais paru impossible !… Je me suis étonnée de ne pas te voir sourire lorsque pour la première fois je t’ai parlé de la maladie de vampirisme qui sévissait à l’hôtel de Coulteray… Quand moi, sur un ton qu’eussent pu m’envier tous les Joseph Prudhomme de la terre, je prononçais le mot : science ! toi, tu répondais : « Mystère ! »… J’ai pris mon vieux père pour un monomane et il a du génie ; j’ai aimé Gabriel sans y croire !… Je l’aime peut-être encore et je n’y crois peut-être pas encore…

— Oh ! Christine ! protesta Jacques avec une infinie tristesse.

— Pardon, Jacques, mais je ne veux avoir rien de caché pour toi !… Vous avez tous été trop à mes genoux ! J’ai vu le marquis à mes genoux ! J’y ai vu Bénédict Masson ! Mais ce que je n’ai pas vu, moi qui croyais tout connaître, tout deviner : c’est que c’étaient deux monstres !… Jacques ! courons à Coulteray !

— Tu es encore bien faible, Christine !

— Voilà une raison toute trouvée pour un voyage à la campagne. Les médecins m’ordonne-