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Page:Leroux - La Poupée sanglante, 1924.djvu/216

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LA POUPÉE SANGLANTE

titieux dans le pays de Coulteray… plus peut-être que dans tout le reste de la Touraine et certainement autant qu’en Bretagne, mais d’une autre manière.

Ils étaient venus non pour voir la morte, mais pour voir le vampire, qu’ils appelaient couramment entre eux l’empouse (ce qui est tout comme, là-bas)… sans beaucoup y croire, mais sans rejeter tout à fait la légende avec laquelle on leur avait fait peur quand ils étaient petits et qu’ils n’étaient pas sages.

La funèbre aventure de Louis-Jean-Marie-Chrysostome s’échappant de sa tombe pour venir, la nuit, dévorer les vivants, remplaçait avantageusement pour les petits gars de Coulteray les histoires du loup-garou en honneur dans d’autres contrées.

Quand, en l’absence des châtelains, le concierge faisait visiter la crypte de la chapelle, il ne manquait point de raconter à l’étranger ce que l’on disait, depuis deux siècles, de ce tombeau vide.

— Y croyez-vous ? demandait en souriant le visiteur.

— Ben ! répondait l’autre en hochant la tête, on y croit sans y croire !…

Quoi de plus mobile que le caractère tourangeau, avec son pétulant bon sens, son inconséquence, son esprit fin, sa philosophie moqueuse, son scepticisme et son imagination folle ? Quoi de plus intéressant que ce génie d’une si merveilleuse souplesse qui, du moment où il se prend au sérieux, passe sans effort de la bouffonnerie aux sujets les plus graves, de la futilité aux considérations les plus sérieuses et quelquefois les plus inattendues dans leur audace ?…

Tout ceci n’est point d’une digression inutile, sur le seuil du château de Coulteray, dans le