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Page:Leroux - La Poupée sanglante, 1924.djvu/226

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LA POUPÉE SANGLANTE

suis si malheureux… si vous saviez !… si vous saviez !… Mais vous savez tout, vous, Christine !… Je n’ai rien à vous apprendre !… Vous seule ici pouvez comprendre toute l’étendue de ma misère !… Ah ! je suis le plus misérable des hommes !…

Et pendant que la foule s’écoule, émue, silencieuse, vide la baille, regagne la campagne, les villages, il les retient dans l’ombre de ce château de la mort, aux volets clos…

— Je vais partir ! fait-il d’une voix brisée. Je vais partir loin, très loin !… Où ?… je n’en sais rien encore !… mais je ne puis rester un instant de plus ici !… Trop de souvenirs !… trop de souvenirs !… trop de douleurs !…

Une porte est poussée… une portière se soulève… Une ombre que Christine reconnaît… C’est Saïb Khan lui-même, le médecin indien. Il ne prononce pas une parole…

À sa vue, Georges-Marie-Vincent s’est soulevé.

— Adieu ! soupire-t-il dans une sorte de râle, adieu peut-être pour toujours !… Ah ! comme je l’aimais !

Il est parti !… Le bruit de l’auto qui l’emporte…

Il est parti !…

Tous deux sont restés là, encore sous le coup de cet extraordinaire désespoir… Ce « ah ! comme je l’aimais ! » leur restera longtemps dans l’oreille…

— Cet homme aimait peut-être vraiment cette femme ! prononça Jacques, après quelques instants d’un affreux silence.

— Comment peux-tu dire ?… Comment peux-tu dire ?… Ugolin aussi aimait ses enfants !…

— Justement, dit Jacques… qui, pour rien au monde, n’eût voulu la contrarier dans un moment pareil… Et maintenant, ma petite Christine, fit-il