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Page:Leroux - La Poupée sanglante, 1924.djvu/250

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LA POUPÉE SANGLANTE

le village, alors que Christine, Jacques et Drouine passaient des minutes d’angoisse que nous avons rapportées, dans le château…

La petite fête s’était prolongée à l’auberge de la Grotte aux Fées. Il y a toujours, dans ce genre de réjouissances, que ce soit à propos d’une mort ou d’un mariage, des « enragés » qui ne se décident jamais à quitter la table. D’autant que les cartes finissent toujours par fixer les plus hésitants, ceux qui, tout de même, ne demanderaient pas mieux que s’aller coucher… À minuit, ils étaient encore quatre à se disputer leurs sous en vidant les pots. C’étaient Birouste, le forgeron ; Verdeil, qui tenait un garage et vendait de l’essence au coin du pont, au carrefour des trois routes, l’esprit fort de Coulteray ; l’épicier Nicole et Tamisier, le plus gros marchand de vin du bourg et des environs. Avec Achard, l’aubergiste, un type qui avait fait danser trois générations, qui n’avait jamais voulu être quoi que ce fût dans la municipalité, histoire de rester l’ami de tout le monde, mais qui n’en était pas moins, de fait, le chef de la localité, comme qui dirait la clef de voûte du pays ; il y avait là cinq fortes têtes auxquelles il était bien difficile de faire prendre, comme on dit vulgairement, des vessies pour des lanternes.

Or, environ un quart d’heure après minuit, ces cinq hommes entendirent un grand cri poussé par la veuve Gérard qui était restée à l’auberge pour aider au service et qui, ayant achevé sa tâche, traversait la cour pour rentrer chez elle, une petite maison à un étage située à l’orée du bourg, un peu avant le pont, presque en face Verdeil.

Ce cri était si affreux que les cinq qui étaient là en frissonnèrent et se levèrent, d’un seul mouvement, pour savoir ce qui arrivait…