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Page:Leroux - La Poupée sanglante, 1924.djvu/257

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LA POUPÉE SANGLANTE

elle, mais qui ne prouvait en rien sa culpabilité à lui.

Nous n’insisterons pas sur une attitude qui souleva, comme on dit, le cœur de tous les honnêtes gens. Le réquisitoire de l’avocat général fut, comme on le pense bien, implacable. Bénédict Masson pouvait d’autant moins compter sur l’indulgence du représentant du ministère public qu’il avait traité cet honorable magistrat dont le visage était grêlé des suites de la petite vérole de « moule à pilules » !…

L’instant le plus sensationnel de ces honteux débats fut, sans contredit, celui où Christine Norbert s’avança à la barre… Alors la façon d’être de l’accusé changea du tout au tout. Il perdit sa superbe, s’affala sur son banc et se cacha la tête dans ses bras. La déposition de Christine fut courte et terrible.

Mlle Norbert ne regarda pas une seule fois du côté de Bénédict, mais, tournée du côté des jurés, elle semblait leur dicter leur devoir. Ceux-ci n’y manquèrent point. Bénédict Masson fut condamné à mort.

Il refusa de signer son pourvoi en grâce. Le 2 décembre, la sinistre machine (style de la Gazette des Tribunaux) fut dressée à Melun devant la porte du cimetière. Il faisait un froid sévère. Tout le monde grelottait. Seul, le condamné, quand il descendit de la voiture qui ramenait de la prison, ne tremblait pas. Il portait haut cette tête qu’on allait lui trancher. Il considéra l’assemblée sans émoi. On s’attendait à une dernière insulte à l’adresse de la société sur laquelle, pendant tout le procès, il avait répandu sa bave amère. Il n’en fut rien. Il embrassa le christ, que lui tendait le prêtre, en prononçant ces mots :

— Celui-là, c’est un frère !