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Page:Leroux - La Poupée sanglante, 1924.djvu/31

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LA POUPÉE SANGLANTE

nat ! et c’était Christine elle-même qui, du geste le plus naturel, m’en poussait la porte.

Mes yeux étaient allés tout de suite aux solives du balcon, au plancher de l’atelier, à la table, au bahut, comme si je devais fatalement y trouver les traces sanglantes du crime. C’était enfantin ! Du moment qu’elle me recevait là, c’est que le nécessaire avait été fait ! Le nécessaire ? Le plancher ne paraissait même pas balayé… Rien, rien, rien dans cette longue pièce où le jour pénétrait à flots n’eût pu retenir le regard le plus averti — le mien — qui avait vu assassiner Gabriel !

Bien mieux : je savais, par les demi-confidences de la mère Langlois, que le vieux et sa fille et le fiancé s’enfermaient là des heures et des heures, tous rideaux tirés sur les vitres, pour une besogne de mystère qui — je l’ai déjà fait entendre — commençait à troubler quelques pauvres cervelles dans le quartier ; or, on pouvait, en vérité, se demander après un coup d’œil sur ce banal atelier si la mère Langlois n’avait pas rêvé !

Un vaste divan dans un coin, des tentures, quelques toiles, des études, des modelages d’après l’antique accrochés au mur, deux sellettes, supportant une vague glaise entourée de linges desséchés, une bibliothèque vitrée dans laquelle il n’y avait même pas de livres mais quelques statuettes polychromes qui me rappelèrent que deux ans auparavant Mlle Christine Norbert avait exposé aux Indépendants un Antinoüs d’étagère, d’une singulière beauté, mais qui avait fait surtout parler de lui par la matière toute nouvelle dont il était fait et à laquelle on cherchait à donner un nom, quand l’artiste avait, un beau matin, sans explications, retiré son envoi.