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Page:Leroux - La Poupée sanglante, 1924.djvu/32

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LA POUPÉE SANGLANTE

Au fond de la pièce, une portière à demi soulevée donnant sur une petite chambre qui était certainement la chambre de Christine.

Mes yeux, qui ne pouvaient s’arrêter sur rien, retournèrent au bahut.

Mais Christine me rappela tranquillement l’objet de ma visite en me priant de m’asseoir dans le fauteuil où, l’avant-dernière nuit, j’avais vu s’asseoir Gabriel.

Si elle était calme, je ne l’étais pas ! Ma cervelle était en feu, mes mains tremblaient.

Elle s’assit en face de moi ; je n’osais pas la regarder. On lui avait assassiné, la nuit dernière, son amant, et elle s’intéressait au grain et à la couleur de mes peaux !

Elle me dit qu’elle me fournirait quelques dessins d’après lesquels j’aurais à établir une mosaïque.

— C’est donc une reliure de grand luxe ? demandai-je.

— Oui, me répondit-elle, et je vais vous avouer que ces livres ne sont pas à moi et qu’ils ne sont pas pour moi. C’est un secret que je trahis, mais je suis sûre que vous ne me vendrez pas ! Ils appartiennent à M. le marquis de Coulteray, notre propriétaire, que j’ai vu dernièrement et qui cherche un relieur d’art qui veuille bien se consacrer à sa bibliothèque dans des conditions assez exceptionnelles, du reste, mais qui ne vous gêneraient peut-être pas, vous, qui êtes son voisin ! Je lui ai parlé de vous et il s’est servi de moi pour vous mettre à l’épreuve. Vous m’excuserez !

Je remerciai en balbutiant comme un enfant timide et confus. Cette histoire de livres m’intéressait peu, mais l’idée qu’elle avait pensé à moi ! que j’existais pour elle ! qu’elle avait fait un