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Page:Leroux - La Poupée sanglante, 1924.djvu/41

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LA POUPÉE SANGLANTE

Et maintenant, qu’ont-ils fait du cadavre ?… Ils ne l’ont pas encore enfoui dans le jardin… ce sera peut-être pour cette nuit !… je passerai la nuit à ma lucarne… j’ai le pressentiment que, cette nuit, je verrai quelque chose !… Les deux hommes ont l’air trop préoccupé ! Je devine bien ce qui les gêne… « La rouge goutte de sang pèse plus que la mer en colère !… » Lady Macbeth en a fait l’expérience avant mes voisins de l’Île-Saint-Louis…

Cette nuit-là… oui, cette nuit-là pèsera encore sur ma mémoire, nuit lourde avec ses nuages de suie, son eau de plomb, car il a plu un peu, il a plu des larmes brûlantes, et des lueurs de soufre.

C’est par cette nuit-là que la « Vierge » s’est encore levée, m’est encore apparue avec son harmonieuse douleur.

C’est de Christine que je parle. Pourquoi ne continuerais-je pas à l’appeler la « Vierge » ? Parce que mes yeux ont vu ! ont vu quoi ? Est-ce que je sais ce que mes yeux ont vu ? Est-ce qu’ils le savent ? Toute réflexion faite… on peut cacher un monsieur dans une armoire et rester pure ! Il me plaît de penser cela !… Je trouve Boubouroche sublime et plus intéressant que tous les Sganarelles qui rient au parterre… Il me plaît que l’affreux drame — dont j’ignore tout — n’ait pas diminué ma Divinité !…

Écoutez ! écoutez bien ceci ! moi aussi, j’ai mon drame — dont j’ignore tout également — un drame qui m’étreint de ses tentacules invisibles, mais qui, peu à peu, finiront par sucer toute ma pensée… un drame au bout duquel, si le hasard le veut, il y a peut-être l’échafaud !… Et cependant, moi aussi, je suis pur !

Seigneur Dieu, ne jugeons personne !… Ayons peur des formes que prennent les choses en nous