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Page:Leroux - La Poupée sanglante, 1924.djvu/40

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LA POUPÉE SANGLANTE

Tout cela est bien extraordinaire… car enfin ! il n’était pas depuis deux mois dans ce meuble, quand on l’a assassiné !…

Comment a-t-il échappé à l’attention soutenue, à l’espionnage continuel de la mercière, de la femme de ménage, et de moi, Bénédict Masson, toujours à l’affût derrière mes rideaux !…

Quand je me rappelle la scène atroce, en vérité, je suis bien obligé de considérer que les deux hommes n’ont pas été absolument surpris par l’événement…

Les paroles du père, qui depuis chantent à mon oreille une singulière musique à laquelle je m’efforce en vain de donner un sens, attestent bien ceci, au moins, qu’il n’était pas absolument surpris de trouver sa fille en compagnie du mystérieux visiteur : « Il ne m’obéissait plus ! et c’était de ta faute ! j’aurais dû m’en douter ! »

Quelles paroles bizarres dans un pareil moment ! tandis que Christine, éperdue, suppliait le vieux : « Ne le tue pas ! Ne le tue pas ! »

Et le vieux l’avait tué tout de même !… Pourquoi ?… Pourquoi ?… Est-ce parce qu’il l’avait trouvé avec sa fille ?… Est-ce parce qu’il ne lui obéissait plus ! Peut-être à cause des deux choses !… Mais en quoi l’autre ne lui obéissait-il plus ?… Qu’est-ce que le vieux exigeait de ce malheureux jeune homme que j’ai vu massacrer avec une furie si soudaine ?…

Quant au fiancé, il devait savoir aussi, lui, de quoi « il retournait » car si quelqu’un conserva son sang-froid dans cette affaire, ce fut bien lui !

Norbert, après avoir tué, avait l’air d’un fou ! Christine poussait des soupirs à rendre l’âme ! mais, lui, Jacques Cotentin, avait ramassé le cadavre sans émoi apparent et l’avait poussé dans l’atelier sans dire un mot…