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Page:Leroux - La Poupée sanglante, 1924.djvu/63

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LA POUPÉE SANGLANTE

passé cette chose stupéfiante : elle m’a pris la main et l’a gardée dans la sienne, comme si cette main lui appartenait, d’un geste qui prenait possession définitivement de ma personne, et m’a dit :

— Soyez mon ami !… Il y a longtemps que je le désire !

Longtemps !… Et cependant, quand elle était passée près de moi pendant des mois, des années, elle n’avait pas « remué les sourcils » et son regard était resté « glacé dans son lac immobile »… Ah ! pitié, pitié, Christine !… « Ne me fais pas pleurer ! » comme disent mes pauvres vers… Je suis orphelin… Je suis enfant ! Ne m’attire pas dans ton feu ! Rien ne pourrait me retenir ! Et peut-être, ne me pardonnerais-tu pas aussi facilement que tu as pardonné au marquis.

J’étais sans voix et je n’osais bouger de peur d’une catastrophe, d’une bévue de ma part, d’une maladresse, d’une caresse qui, si humblement se fût-elle présentée, ne pouvait être, venant de moi, qu’une forme de la brutalité… (j’étais payé, je vous le jure, pour savoir là-dessus à quoi m’en tenir)… ma main dut cependant la brûler, car elle la quitta soudain comme on quitte un fer rouge ; cependant à son geste trop prompt, elle trouva une excuse :

— La marquise !

Moi, je n’avais rien entendu. Les fourrures blanches étaient en effet revenues… Elles étaient derrière nous, enveloppant une figure inquiète et souriante et lointaine, comme un vieux pastel.

— Vous nous restez, monsieur Bénédict Masson ?

Oui, oui ! je leur reste !… je leur reste ! Elles peuvent bien être tranquilles !