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Page:Leroux - La Poupée sanglante, 1924.djvu/89

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LA POUPÉE SANGLANTE

Vous êtes un ami… La pauvre enfant ! si nous pouvions la sauver !… Bah ! que le corps se porte bien et la tête ira mieux !…

Il s’est frappé le front et s’en est allé avec son flacon et ses gobelets, enchanté, rayonnant !…

— C’est chaque fois la même chose ! me dit Christine… chaque fois il s’imagine que sa femme est sauvée !… En attendant, il va aller ce soir rejoindre sa Dorga !

— Sa Dorga ?

— Oui, la danseuse hindoue !…

— Décidément, il a beau en être revenu, il ne sort pas de l’Inde, cet homme-là !…

— Il l’a ramenée de là-bas en même temps que sa femme…

— Vous m’aviez dit qu’il adorait la marquise !

— Êtes-vous naïf !… Un Coulteray peut adorer sa femme et avoir dix maîtresses… Celle-ci lui fait honneur… elle fait courir tout Paris…

9 juin. — J’ai vu Dorga… Oui, moi qui ne sors pas le soir dix fois par an, j’ai eu la curiosité d’assister aux danses de la belle Hindoue… Je suis allé au music-hall. Il y avait, comme on dit dans le jargon des communiqués de théâtre, une salle « resplendissante ».

Je m’attendais à une petite danseuse demi-nue, avec quelques bijoux sur la peau, des disques aux seins, une ceinture de métal et de lourds bracelets aux chevilles ; je m’attendais encore à quelques déhanchements rythmés dans un décor de pagode, enfin « le genre » si ennuyeux qui a débarqué en Europe avec la dernière exposition. J’ai vu apparaître une superbe créature, au teint à peine ambré, dans une toilette de gala à la dernière mode.

Mâtin ! le marquis aime les contrastes ! La marquise et Dorga, c’est le jour et la nuit, un jour