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en effet tout perdu… Aussi, je vous demande, par pitié… par pitié… pour ma détresse… de ne point prolonger cet entretien. (Au grand réquisiteur.) Vous parlez d’un congé, monsieur, soyez sans crainte… je le prendrai, illimité… mais, auparavant, il faut que vous sachiez quelle est ma dernière volonté de magistrat et quel sera mon dernier geste au palais. J’occuperai dans l’affaire Tiphaine…

Le Grand Réquisiteur. — Nous nous y opposerons de tout notre pouvoir !

Jean. — Et moi, messieurs, je vous jure que je ne céderai ma place à personne !

Le Grand Réquisiteur. — Elle est donc bien enviable.

Le Réquisiteur général. — Que voulez-vous faire ?

Jean. — Apprendre au monde ce que vous voulez lui cacher, messieurs les grands réquisiteurs.

Le Réquisiteur général. — Quoi ?

Jean. — Que les frères Tiphaine étaient innocents et quel est le crime de la justice des hommes !

Le Grand Réquisiteur. — Vous ne ferez pas cela !

Jean. — Et qui m’en empêchera !

Le Grand Réquisiteur. — Tout ! Vous entendez, tout ! Moi, M. le réquisiteur général, tous ceux qui vous aiment, les amis de l’ordre et de la justice, votre intérêt, votre conscience…

Jean. — Ma conscience !…

Le Grand Réquisiteur. — Oui, votre conscience… À quoi bon chercher un inutile scandale qui retomberait sur nous tous. Si l’ancêtre a commis un crime, ce que M. le réquisiteur général et moi ignorons et ce que nous voulons continuer à ignorer, ce n’est pas une raison pour que son petit-fils en commette un second cent fois plus haïssable encore !

Jean. — Si cruelle qu’elle soit, je dirai la vérité ! Elle peut être utile à l’accusé !…

Le Grand Réquisiteur. — Eh ! Nous nous chargeons de son salut !

Jean. — Que m’importe ! Je me refuse à entrer dans vos combinaisons. Je me sépare de vous. Je dirai la vérité… le jour où j’ai revêtu pour la première fois la robe…

Le Grand Réquisiteur. — Le jour où vous avez