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Page:Leroux - La maison des juges.djvu/83

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Béatrice. — Oui… quel martyre !… Mais il a pris fin !… Je pars !…

Jean. — Béatrice ! Béatrice !

Béatrice. — Trop tard ! Jean !… Trop tard !… Pourquoi n’es-tu pas venu plus tôt ! Je t’attendais !…

Jean. — Hélas ! Hélas !… Je te croyais coupable !

Béatrice. — Coupable ou non, il fallait venir, puisque tu m’aimais !

Jean. — Oui !… j’ai été impitoyable… et pour-quoi ! Pour une idée… et, je viens d’apprendre qu’elle n’existe pas ! Oui, je m’étais quelque part, dans la nuit, accroché à une idée ; mais le clou a cédé et je roule !… Ah ! les idées ne sont pas solides ! Il n’y a plus que ta pitié !

Béatrice. — Tu n’en as pas eu pour moi. Adieu !

Jean, se relevant et se jetant au travers de la porte vers laquelle se dirige Béatrice. — Mais tu ne peux partir… Si tu n’as pas pitié de moi, songe au moins à ton enfant.

Béatrice. — C’est avec mon enfant que tu m’as retenu dans cette prison pendant quatre ans ! Tu en as fait ton complice !

Jean, au président. — Mais, mon père !… dites-lui donc qu’il est impossible qu’elle s’en aille… Ne la laissez pas partir… Je ne peux pas… mais je voudrais lui dire… Je ne sais que lui dire… dites-lui qu’elle ait pitié… que j’ai souffert autant qu’elle… plus qu’elle !

Béatrice. — Tout est de ta faute, Jean. Qui t’ordonnait de souffrir ? Toi ! Tu as souffert pour une idée. Tu aurais dû te méfier. Une idée ne peut pas être bonne qui comporte tant de souffrance ! Je t’aimais, tu m’aimais, ça n’était pas compliqué cela ! Et nous n’avions qu’à ouvrir les bras et qu’à nous aimer. Pourquoi nous torturer ? Pourquoi ne pas avoir accepté simplement le bonheur que la terre nous donnait ?

Jean. — Oui, oui… Tout ce que tu dis est vrai… tout est de ma faute !

Béatrice. — Est-ce que tu ne voyais pas que j’étais prête à te pardonner tout mon malheur ?… Ce que je te dis aujourd’hui, combien de fois mes yeux suppliants, ma détresse, mon silence, te l’ont crié ! Quand j’étais assise près de toi, quand dans un geste de hasard nos mains se frôlaient. Mais tu ne voyais rien, tu ne sentais rien… tu suivais ton idée. Et maintenant tu me dis que je suis innocente. C’est ton idée