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NUIT D’ORIENT

moi, et reviens ici avec le télégramme et l’estampille, officielle, tu sais, le petit paraphe au crayon bleu !

— Jamais Franghia ne signera ça ! fit La Candeur.

— Nous verrons bien ! »

Rouletabille était retourné à sa carte, pensif…

« Tu cherches midi à quatorze heures ! déclara La Candeur. Les Bulgares ont renoncé à cacher leur plan parce qu’ils ne doivent pas en avoir d’autre ! Ils ne peuvent passer que par la vallée de la Maritza !

— Justement, répliqua Rouletabille, je cherche un endroit par lequel on ne peut pas passer !

— Pourquoi ?

— Parce que c’est par là qu’ils passeront !

— Ils te l’ont dit ? ricana le brave La Candeur.

— Non ! Et c’est parce qu’ils ne me l’ont pas dit et que personne ne peut même y penser, que j’y pense, moi !

— Oh ! t’es malin ! on le sait !… T’as beau regarder, va… pas une bonne route, pas de chemin de fer… Rien à faire à l’est de la Maritza. Les montagnes de Viza et de Pistrandja ? infranchissables ! »

Rouletabille, qui avait repris sa pose à la Napoléon, répondit :

« C’est ce qu’on a dû dire à Bonaparte la veille du jour où il a franchi le Saint-Bernard ! »

À ce moment, la porte s’ouvrit sous la poussée d’un jeune homme remarquablement beau, mais qui avait l’air d’une petite fripouille, Rouletabille avait choisi ce jeune Slave de Kiew comme interprète, d’abord parce qu’il parlait parfaitement bien plusieurs langues, dont les patois des Balkans et de l’Istrandja, et puis parce qu’il était débrouillard et à peu près sans scrupule. Il lui laisserait faire ce qu’un honnête reporter ne peut pas faire lui-même. À la guerre comme à la guerre ! Enfin, Vladimir prétendait avoir toujours des tuyaux spéciaux grâce à la bonne amitié d’une femme du plus grand monde (disait-il), à certaine princesse d’un certain âge, mais très riche et toujours habillée de somptueuses fourrures, que le