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LE CHÂTEAU NOIR

Rouletabille n’écoute même pas le rapport de son lieutenant La Candeur, un reporter de son service, une espèce de géant qu’il a amené de Paris pour les fidèles besognes. Et pourtant ce que dit La Candeur ne semble pas dénué d’intérêt.

« Rouletabille, on connaît le plan des Bulgares ! Fais marcher tes épingles ! La première et la deuxième armée vont descendre le cours de la Maritza et investir Andrinople. La troisième, elle, obliquera à l’ouest des deux premières, descendra d’abord du nord au sud, s’emparera de la voie ferrée, puis prendra l’offensive à l’est. Le gros coup sera d’abord la prise d’Andrinople. Le généralissime Savoff affirme à qui veut l’entendre qu’il va d’abord sacrifier cinquante mille hommes pour prendre Andrinople « à la japonaise ».

— Qu’il dit ! » finit par laisser échapper Rouletabille.

Et il ajouta :

« Tais-toi, idiot ! $’il le dit, c’est qu’il ne le fera pas ! S’il devait le faire, il ne le dirait pas !… On connaît le plan des Bulgares, dis-tu ? Du moment qu’on le connaît, exprima le reporter en haussant les épaules, c’est que ce n’est pas celui-là ! »

Et il alla se planter devant une immense carte des Balkans.

« J’suis pas plus idiot que toi, répliqua La Candeur, vexé. La preuve que c’est vrai, c’est que tous les officiers ont reçu des ordres conformes…

— Veux-tu que je te prouve que ce n’est pas vrai ? fit Rouletabille. Tiens, écris ! »

Et il lui dicta une dépêche retraçant le fameux plan des Bulgares, sonna son domestique, un Français nommé Modeste, ex-garçon de café et fort brave homme, et lui ordonna de la porter à la censure.

« À quoi penses-tu ? La censure est fermée à dix heures, dit La Candeur.

— Eh bien ! Modeste, cours chez M. Franghia, le ministre des Postes et Télégraphes, qui est un bon ami à