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NUIT D’ORIENT

geur, un rideau, et la clarté lunaire qu’il évita envahit un grand carré de la pièce, dont il fit le tour avec précaution.

Soudain il trébucha et recula avec horreur, comme tout à l’heure, là-bas dans le jardin. Il avait encore marché sur un corps mou. Il se jeta à genoux, dans une angoisse indicible. Il tira le corps à lui, le poussa jusque dans le carré de lumière, et ce faisant, il se rendait compte qu’il tâtait des vêtements d’homme : et cela déjà le soulageait de l’horrible pensée qu’il avait eue. La tête du mort apparut dans la clarté froide de la nuit. Il reconnut l’officier d’ordonnance du général Vilitchkov, à côté duquel il avait dîné le soir même.

La galopade, qui s’était éloignée, qui semblait avoir fait le tour des appartements, se rapprochait.

Rouletabille se rejeta dans la nuit.

Et trois officiers qui avaient le sabre nu à la main apparurent à l’entrée qui donnait sur le palier, à cette même porte qui venait de laisser passer Rouletabille cependant que par l’autre porte, au fond, celle qui donnait sur les chambres que lui avait fait visiter Ivana, un autre officier, qui avait également un sabre à la main, surgissait dans un état de rage et d’exaltation extraordinaire !…

Il jetait aux autres des mots précipités, auxquels ceux-ci ne répondaient que par des monosyllabes, des dénégations énergiques.

À l’apparition des officiers, Rouletabille avait failli céder à son premier mouvement, qui était de se joindre à eux et de leur demander des explications ; mais la bizarre attitude de ces hommes, leur langage forcené, leur fureur et la figure terrible de celui qui semblait commander aux autres lui donnèrent immédiatement à réfléchir.

Ces gens avaient moins l’aspect de sauveurs que celui d’assassins.

En bas, à la vue des capotes, il avait pensé que l’Albanais et les Turcs s’étaient déguisés en soldats ; ceux-là,