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NUIT D’ORIENT

L’aurore, en chassant cette sinistre nuit, n’aura-t-elle point bientôt chassé ces bandits ?…

Comme ils s’étreignent éperdument, les petits, au fond de leur placard, quand les bruits se rapprochent !

Que pourrait faire Rouletabille dans ce carnage ? La couvrir de son corps ? Mourir avec elle ! N’est-ce pas ce qu’il a désiré tout à l’heure ? Son vœu est exaucé.

Il tient Ivana, embrassée. Il a sur son épaule, sa belle tête, appesantie, et il sent sur ses mains couler le sang de la gorge !

Par quel miracle, après un coup pareil, a-t-elle pu leur échapper ! Et puisque le ciel a voulu ce miracle-là, comment croire que la Providence n’ira pas jusqu’au bout du miracle lui-même et ne la retirera point, vivante, du gouffre de cette aventure de vengeance et de sang…

Encore des cris ! si proches ! si proches ! « Gaulow ! » La voix d’Ivana semble près d’expirer en prononçant ce nom abhorré…

On frappe du poing sur les murs. On tâte les murs.

Si les poings sonores frappent sur la tapisserie et si les autres entendent résonner la double porte de bois, ils sont perdus ! Ils sont morts !

Et la porte s’ouvrira comme elle s’est ouverte devant Draga et Alexandre et ils mourront comme sont morts le roi et la reine et ses deux frères, Nicolas et Nicodème, et le lion Lazare Pétrovitch et Naumovitch le brave, et Gakovitch, et comme tant d’autres sont morts dans les nuits rouges de l’Orient ensanglanté…

Un grand tumulte de meubles remués, de caisses que l’on traîne… et encore la voix de Gaulow qui donne des ordres… et la voix expirante d’Ivana à l’oreille de Rouletabille : « Ils ont fini d’assassiner, maintenant ils volent !… »

Oui, les misérables sont à la curée de tous les objets de valeur… Ils dépouillent les murs et vident les tiroirs… Ce Gaulow est décidément un bandit de grand chemin.