quoi ? Dans cette période d’avant-guerre me laisserait-on télégraphier en langage chiffré avec le général-major de Sofia ? Non. En « clair », que pouvais-je dire ? Qu’un danger le menaçait ? Je me serais fait arrêter comme espion et la dépêche ne serait pas partie. Ah ! j’ai passé là des minutes que je n’oublierai de ma vie ! J’ai tenté quelque chose cependant ; puisque toute dépêche, même la plus anodine, envoyée au général-major aurait été certainement l’objet d’un grand retard et de l’examen méfiant de la censure, je télégraphiai à un de mes amis d’aller avertir Ivana…
— Que vous aviez fait un mauvais rêve…
— C’est cela… et de ne point sortir de chez elle… Ah ! après un pareil avertissement, pourquoi ne s’est-elle point méfiée ?… Est-ce que le général n’aurait point dû prendre des précautions ?
Elle n’a pas voulu montrer cette dépêche au général…
— L’insensée !… Quant à moi, je ne perdis pas une minute… Je pris le train la nuit même à Andrinople et arrivai à la frontière bulgare, à Hermanli, où se trouve la douane, pour apprendre que les bandits étaient descendus du précédent train, en se faisant passer pour des patriotes de Thrace qui allaient s’engager à Sofia. On venait à peine de viser leurs passeports quand deux autos, dont on me fit la description la plus exacte, étaient venues les prendre et les avaient emportés sur la route de Philippopoli.
« Je fis réveiller le chef de la douane, je fis venir le chef de gare et leur déclarai à tous deux que ces gens étaient des espions turcs, et qu’ils allaient à Sofia faire un mauvais coup et que nous devions tout tenter pour les faire arrêter en route, à tout prix.
« — Il n’y a qu’à télégraphier, dit le chef de gare.
« J’allai avec lui dans son bureau. Il sonna l’appel avec Philippopoli. On ne lui répondit pas : le fil était coupé.
« Je ne doutai point qu’ils eussent fait le coup.