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Page:Leroux - Le Château noir, 1933, Partie 1.djvu/62

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LE CHÂTEAU NOIR

« Et cependant, je ne pouvais m’expliquer comment ils pouvaient craindre ma poursuite puisque j’étais persuadé qu’ils l’ignoraient. Mais le chef de gare dit tout à coup : « Attendez, nous avons reçu, ce soir, un télégramme d’Andrinople pour Siméon Tzankof ! »

« Je me récriai : c’était l’un des noms de guerre de Gaulow, celui certainement sous lequel il avait fait libeller son passeport !

« L’employé se rappela la rédaction du télégramme. Elle était brève : deux mots turcs : Dikat ète : « fais attention ! » Je me rappelai alors avoir rencontré sur le quai de la gare d’Andrinople un individu dont j’avais quelque raison de me méfier. Aussitôt que je l’avais aperçu, je m’étais dissimulé, mais trop tard sans doute. Gaulow sait que je le recherche depuis dix ans et il a tenté de se débarrasser de moi plusieurs fois avec le même acharnement que je mets à vouloir me débarrasser de lui… Mais nous verrons bien qui finalement…

— Continuez donc ! Continuez donc votre récit… interrompit Rouletabille.

— Dans mon malheur, j’ai eu cette chance de trouver cette auto qui était restée à la frontière parce que son propriétaire n’avait point les papiers qu’on lui demandait et qu’il était allé les chercher par le train à Tirnovo. Les autorités me laissèrent prendre l’auto, après leur avoir énoncé mes qualités.

« Service d’état-major qui primait tout !

« J’étais tombé heureusement sur une bonne machine, mais j’avais bien du retard !

« N’importe, je partis ! Je fis les cent premiers kilomètres assez rapidement malgré quelques petits accidents qui me mirent dans un état de désespoir que vous comprendrez facilement.

« À Philippopoli et, plus tard, à Tatar-Bajardjick, je recueillis des renseignements certains sur les deux autos qui étaient montées maintenant par des officiers !

« J’imaginai facilement que Gaulow et ses hommes