La Candeur s’agenouilla et se mit en mesure d’ouvrir l’une d’elles. Au moment où l’on aurait pu croire que cette simple opération allait s’effectuer, La Candeur releva la tête vers Rouletabille.
« Tu sais !… J’aime mieux te le dire tout de suite… ça n’est pas avec les boîtes de conserves qu’il y a là-dedans qu’il faut compter pour se nourrir ici…
— À cause ?…
— Ben !… à cause… »
Mais il ne put en dire davantage. Il se mit à pleurer, à braire comme un âne. Rouletabille était livide. Il se jeta sur La Candeur en criant :
« Cochon, tu as tout mangé !…
— C’est pas vrai !
— Eh bien, ouvre donc !… »
Mais il arracha la cantine des mains de La Candeur et il l’ouvrit lui-même. À la lumière du jour naissant, il put voir, d’un coup d’œil, tout ce qu’elle contenait, et il poussa un cri.
Ça ! vraiment ! c’était plus fort que tout ! La cantine était pleine de chaussures ! de brodequins, souliers, bottines à élastique et à boutons, chaussures de travail et de fantaisie, de promenade et de soirée, mais toutes de la même pointure, et quelle pointure ! Celle de La Candeur !… et tout cela tout neuf, astiqué, propre, luisant comme au sortir du magasin.
Qu’est-ce que cela voulait dire ? D’abord ahuri, puis furieux, il le demanda à son reporter, la voix rauque, le geste menaçant… La Candeur reculait devant lui en demandant pardon comme un enfant.
« Où sont les boîtes de conserve, me le diras-tu ?
— Je les ai laissées là-bas !
— Pour mettre ces chaussures à la place ?… hurla Rouletabille.
— Écoute, fit l’autre en se mouchant et en s’essuyant les yeux… écoute, tu vas comprendre… c’est toute une fortune !