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Page:Leroux - Le Château noir, 1933, Partie 2.djvu/129

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LE DONJON ASSIÉGÉ

— Toi ! te rendre utile !… Tu es bien ce égoïste pour cela !… Tu ne songes qu’à t’amasser un fonds de cordonnier pour tes vieux jours !…

— Justement, n’en dis pas de mal de mon fonds de cordonnier… Je vois bien que tu en veux toujours à mes chaussures… Eh bien ! baisse un peu le nez et vois ce que j’en ai fait de mes chaussures !… »

Rouletabille et Vladimir s’aperçurent alors que toutes les chaussures de La Candeur avaient été descendues et posées dans un ordre bizarre deux par deux, devant la poterne, sur les dalles de la salle des gardes,

« Ah ! ah ! fit Rouletabille en souriant.

— Compris ? demanda La Candeur.

— Compris ! Toi né gros malin !

— S’pas ?… Regarde mes godillots !… Juge de l’ordre admirable dans lequel je les ai placés !… Et jette un coup d’œil sous la porte !… Quand nos sauvages reviendront tout à l’heure pour défoncer cette porte ; quand ils grimperont jusqu’ici du fond du fossé, quelle est la première chose qu’ils apercevront, entre le bas de la porte qui est fort usé et le pavé de la salle des gardes qui ne l’est pas moins : ils apercevront toutes mes paires de chaussures, et ils se diront : « Mazette ! les assiégés ont reçu des renforts, fichons le camp ! » Hein ! qu’est-ce que vous dites de ça ?… »

Rouletabille et Vladimir ne purent s’empêcher de rire.

« Tu ne m’en veux plus ? demanda le bon La Candeur.

— Non ! » répondit Rouletabille.

Sur ces entrefaites, une voix adorable, jeune et gaie, qui sortait de sous-terre, cria :

« J’ai faim ! Quand est-ce qu’on déjeune ? »

C’était Ivana. Elle sauta avec allégresse au milieu des défenseurs du donjon :

« Eh bien ! on est victorieux, fit-elle. Le katerdjibaschi vient de me dire ça… Tous mes compliments !… Et maintenant, réjouissons-nous !… J’ai une bonne nouvelle à vous apprendre ; mais auparavant, déjeunons ! Le combat