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LE DONJON ASSIÉGÉ

— Moi aussi, répliqua Ivana. Aussi ai-je stipulé que nous ne lui rendrions la liberté qu’arrivés à la frontière de Bulgarie et loin de ses troupes, qui recevront l’ordre de ne pas nous suivre.

— Oh ! oh !… émit Rouletabille, Gaulow a une bien grande confiance en vous, Ivana !

— Même si je ne tenais pas ma parole — et je la tiendrai, je le jure, Gaulow y gagnerait de ne pas être tué tout de suite, répliqua-t-elle, car je ne lui ai point caché que si nous ne tombions pas d’accord immédiatement, je commencerais à le faire mourir !…

— Oui, vous ne lui avez pas laissé le choix !…

— C’est ce qu’il a compris !…

— Mes compliments !…

Oh ! vous pouvez me les adresser, petit Zo !… » fit-elle sur un ton qui retint, une seconde, l’attention du reporter.

Décidément, il y avait encore des moments où Ivana lui échappait tout à fait, comme maintenant, par exemple, où elle faisait preuve d’une diplomatie à laquelle elle ne s’entendait guère, tout en renonçant bien facilement à une vengeance pour laquelle autrefois elle eût donné sa vie et celle des autres…

Il lui dit :

« Je suis heureux de vous voir aussi raisonnable, Ivana. Je sais que vous faites un gros sacrifice en nous donnant Gaulow ; le tout est de savoir maintenant si les brigands de la Karakoulé vont en vouloir,

— Vous en doutez ?

— Je doute qu’ils acceptent les conditions que vous avez fixées… Ils admettront difficilement que nous emmenions le Gaulow avec nous… et ma foi je comprends leur méfiance.

— Et je comprends aussi la vôtre, ajouta-t-elle avec un singulier sourire. Vous pensez qu’une parole ne compte pas avec Gaulow et qu’une fois à l’abri, je ne me souviendrai plus de la mienne !…