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Page:Leroux - Le Château noir, 1933, Partie 2.djvu/133

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LE DONJON ASSIÉGÉ

« Dix heures !… Sapristi ! il n’est que dix heures… mon estomac marque midi… Je voudrais bien qu’il fût midi !

— Pour déjeuner !

— Non ! pour savoir si Athanase a réussi !

— C’est vrai, je n’y pensais plus !… »

Elle n’avait pas plus tôt prononcé cette phrase qu’elle devenait rouge comme une cerise. Étrange Ivana ! À quoi donc pensait-elle si elle ne pensait plus à cela ?… à la réussite de cela pour quoi elle avait consenti à devenir l’épouse musulmane de Kara Selim !

Rouletabille s’était aperçu de sa rougeur, de son embarras, disons le mot : de sa honte. Car c’était bien une honte pour cette patriote d’avoir cessé de penser à cela, tout le temps !

« Dieu du ciel ! songeait Rouletabille, que se passe-t-il encore dans cette petite tête-là ! Si elle ne pense pas à cela, à quoi pense-t-elle ?… Elle ne pense certainement pas à moi ! Depuis que je l’ai introduite dans le donjon, elle n’a pas eu un remerciement sincère, un élan, une véritable marque de tendresse, un abandon. Elle s’est enfermée dans sa chambre et je l’ai entendue marcher des heures… je lui ai parlé à travers sa porte ; elle ne m’a pas répondu. Et à l’heure du combat, elle m’a fui ! Elle est allée s’enterrer avec ce Gaulow. Je croyais que c’était pour l’assassiner et voilà qu’elle revient de là avec un petit traité d’alliance. Qu’est-ce que cela signifie ? qu’est-ce que cela signifie ? »

Il appela Vladimir.

« Attachez, lui dit-il, votre mouchoir à votre carabine et venez ! Nous allons essayer de parlementer… »

Les deux jeunes gens grimpèrent jusqu’au haut du donjon ; Ivana les suivit.

Tondor déclara qu’il n’avait pas vu la figure d’un ennemi depuis que la porte du chemin de ronde s’était refermée sur la fuite des mécréants.

« Vous allez vous montrer entre deux créneaux et agiter votre « drapeau blanc », dit Rouletabille à Vladi-