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LE CHÂTEAU NOIR

son hôte par la douceur… Je me suis arrangé pour qu’il n’y ait aucun retard dans la livraison…

— Ta ta ! ta ta !… laissez-moi tranquille ! grondait Kasbeck en essuyant son visage tout ruisselant de sueur.

— Deux petites filles de Monktara…

— Ni de Monktara ni d’ailleurs…

— Elles n’ont pas neuf ans et dansent comme des almées !…

— Laissez-moi tranquille avec vos almées !…

— J’ai une jeune fille de Samarie…

— Je n’en veux pas ! Gardez votre marchandise, Kara Selim !… Gardez-la toute…

— Vous avez tort… Je vous aurais consenti une grande diminution…

— Et moi, je vous aurais donné plus de cinq mille livres turques en plus du prix convenu (plus de cent mille francs), pour celle que vous savez bien. »

Rouletabille n’avait pas eu besoin d’entendre cette dernière phrase pour comprendre que toute la colère de l’eunuque venait de ce que Gaulow lui refusait la seule esclave à laquelle il tenait par-dessus tout. Le maître du Château Noir avait certainement appris à Kasbeck que celle qu’il venait chercher pour remplacer la petite Irène, descendue dans un sac de cuir au fond du Bosphore, n’était plus à vendre ! que cette Ivana, sur laquelle l’eunuque avait cru pouvoir compter pour le harem de l’ex-sultan, allait devenir la femme de Gaulow !… sa première kadine favorite ! et que ces noces inattendues seraient célébrées le jour même ! Aussi la fureur de l’eunuque était extrême.

« Je ne comprends pas !… Non, je ne comprends pas, finit-il par dire à Gaulow, qu’on fasse de pareilles bêtises pour les femmes ! »

Gaulow ne put s’empêcher de sourire :

« Eh ! je savais bien que vous ne seriez pas content, mon cher Kasbeck, et que vous m’en diriez de très désagréables… mais, que diable ! vous finirez bien par enten-