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Page:Leroux - Le Château noir, 1933, Partie 2.djvu/147

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LA CHANSON DE LA MARITZA

Il n’osait pas regarder sa main… cette main qui avait travaillé, en bas, à cette abominable besogne… et il n’avait point le courage non plus de la questionner sur cette besogne-là.

Il demanda simplement, évitant de parler du prisonnier :

« Le katerdjibaschi est toujours à son poste, dans le cachot ?

— Toujours ! On ne peut pas laisser le souterrain sans surveillance. »

Il tressaillit, car il trouvait la phrase plus explicite qu’aucune autre. Et tout à coup, il regarda cette main qui était restée, comme oubliée là, sur son bras.

Les ongles étaient pleins de sang !

Alors il se sépara d’elle brusquement, sous prétexte qu’il avait à faire le dénombrement des munitions. Au premier, il retrouva La Candeur et Vladimir. Il leur fit faire le compte du nombre de cartouches qu’il leur restait à tirer… six cents environ. Ainsi la première attaque leur avait pris deux cents « coups » ! Et le combat avait duré un quart d’heure à peine. Et ils devaient soutenir le siège pendant encore trois ou quatre jours !

Il ne faisait point de doute que les assiégeants, dans le mystère de la Karakoulé, préparaient une agression nouvelle. Quelle serait-elle ? Qu’étaient-ils en train d’imaginer, d’inventer ? Tout bien réfléchi, Rouletabille ne redoutait une attaque sérieuse que du côté de la poterne. C’était surtout la poterne qu’il fallait défendre, et c’est uniquement pour ceux qui s’attaquaient à elle qu’il fallait réserver les munitions. Mais six cents balles !… ça n’était guère. Et, si le siège, au lieu de quatre jours comme il le prévoyait, durait huit, quinze jours !… Car enfin il se pouvait encore qu’au bout de quinze jours ils ne fussent pas tous morts de faim ! On a vu des mineurs ensevelis vivre plus longtemps encore au fond de leurs tombeaux !…

La première chose à faire était donc de ménager les