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Page:Leroux - Le Château noir, 1933, Partie 2.djvu/159

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LES DERNIÈRES CARTOUCHES

— Qu’ils nous rendent d’abord l’Alsace et la Lorraine, » prononça solennellement La Candeur qui descendait toujours.

Il conduisit ainsi le cortège jusque dans la salle des gardes. Là une table était magnifiquement servie, nous voulons dire que, avec l’aide des cantines sur lesquelles on avait jeté quelques planches et que l’on avait couvertes de serviettes, des timbales, des fourchettes et quelques flacons pleins d’une eau assez limpide, figuraient assez agréablement le couvert.

« Prelotte !… fit Rouletabille, si c’est toi La Candeur qui as imaginé cette petite farce-là, je ne te la pardonnerai de ma vie !… Ah ! permets-moi de te le dire : tu es un beau mufle, mon garçon ! Non content d’avoir dévoré en cachette avec Vladimir un pain d’épices que vous avez volé je ne sais où, tu tiens encore à te payer ma tête ! Tu trouves sans doute que nous n’avons pas assez faim, dis ? espèce de bandit ! de va-nu-pieds !… de propre à rien… Il faut que tu te déguises en garçon de restaurant et que tu dresses une table à faire venir le bifteck à la bouche !…

L’autre n’avait pas sourcillé. Quand Rouletabille fut au bout de son souffle, La Candeur se tourna vers Modeste et dit :

« Garçon ! servez le bifteck aux pommes de monsieur !… Allons ! plus vite que ça !… monsieur est pressé !… »

Et Modeste s’esquiva, grimpant quatre à quatre l’escalier, puis La Candeur revint en face de Rouletabille, et tranquillement :

« Monsieur est impatient !… Monsieur a sans doute fait beaucoup de chemin !… Monsieur a besoin de se restaurer !… Nous connaissons ça, à l’hôtel des Étrangers !… On arrive toujours ici avec une fringale !… Nous sommes habitués aux caractères comme celui de monsieur !… Mais on fera tout pour que monsieur soit content et nous donne sa clientèle… Si monsieur veut s’asseoir ».