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Page:Leroux - Le Château noir, 1933, Partie 2.djvu/160

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LE CHÂTEAU NOIR

Déjà Vladimir était assis, avait passé sa serviette dans le col de sa chemise, avait essuyé son verre et attendait le premier service sans sourire, armé à gauche de sa fourchette, à droite de son couteau.

Rouletabille regarda encore La Candeur, regarda Vladimir, murmura :

« Qu’est-ce que c’est que cette histoire-là ?… »

Et il finit par s’asseoir, Ivana s’assit à côté de lui. Là-dessus, un silence pesant régna dans la salle :

« Vous savez, s’écria à la fin Rouletabille, furieux, ça n’est pas drôle !… »

Mais il n’en dit pas davantage. Une certaine odeur des plus alléchantes descendait l’escalier en même temps que Modeste, qui se présenta avec une poêle où grésillaient encore, dans une huile odoriférante, des morceaux de viande qui, par Dieu, ressemblaient fameusement à des biftecks… à de véritables biftecks, bien en chair !…

Rouletabille se leva, plus ému que l’on ne saurait le dire et se demandant tout haut s’il ne rêvait point.

« Servez le bifteck de monsieur ! » criait La Candeur,

Il y eut un bifteck non seulement pour Rouletabille, mais pour chacun des heureux convives. Ils se ruèrent dessus sans que personne songeât à demander d’explications. On verrait bien après ! On mangeait d’abord ! Les biftecks furent proclamés admirables. Un n’en avait jamais mangé de meilleurs, bien entendu !

« Eh bien, monsieur, êtes-vous content ? » demanda La Candeur à Rouletabille qui s’essuyait son soupçon de moustache après avoir fait disparaître le dernier morceau.

— Ah ! mon vieux La Candeur, dit Rouletabille, quel malheur qu’après nous avoir annoncé un bifteck aux pommes, tu nous serves un bifteck sans pommes !

— L’ingrat ! s’écria joyeusement Ivana qui, elle aussi, avait fait honneur au repas.

— Les pommes de terre frites de monsieur ! » annonça La Candeur d’une voix de stentor.