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Page:Leroux - Le Château noir, 1933, Partie 2.djvu/165

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LES DERNIÈRES CARTOUCHES

« Surtout, avait-elle demandé, n’en dites rien à Rouletabille ! »

C’était elle qui avait eu l’idée de la surprise et qui avait dressé subrepticement le couvert.

Rouletabille lui baisa le bout des doigts, le bout de ces doigts qu’il avait vus naguère si rouges et qu’elle lui abandonnait maintenant avec ses jolis ongles nettoyés du sang de Gaulow !… Bah ! c’est la guerre, c’est la vie, c’est la mort !… c’est l’amour !… On se tue, on s’embrasse ! On piétine les cadavres et on boit un bon verre de vin !

« Voilà le dessert !…

— Tu n’as pas jeté tout le pain d’épice ! » dit La Candeur à Rouletabille.

Modeste apportait le fameux pain d’épice… Et nos jeunes gens mordaient déjà dedans quand une formidable explosion ébranla à nouveau tout le donjon.

« Ça, s’écria Rouletabille, c’est le feu d’artifice !… À vos postes !… »

Chacun se jeta sur sa carabine et bondit au poste qui lui avait été désigné en cas d’alerte, Rouletabille était déjà sur la plate-forme du donjon… Il regardait dans le fossé, entre deux créneaux. Une âcre et épaisse fumée montait ; quand elle fut dissipée, il se rendit compte, à quelques dégâts, près de la poterne, qu’on avait essayé une mine ; mais celle-ci avait été si mal et si hâtivement disposée qu’elle avait fait beaucoup plus de bruit que de mal.

Quelques débris de roc et de pierres, infime partie des énormes fondations du donjon, avaient sauté un peu partout. La poterne, elle, était restée intacte, mais, ce sur quoi l’assaillant n’avait certainement pas compté, deux madriers du pont de fortune avaient été rejetés par le déplacement de l’air dans le fossé, de telle sorte qu’il ne restait plus guère d’un ouvrage auquel il devait tenir beaucoup qu’une assez étroite passerelle.

Quoi qu’il en fût, cet incident laissa Rouletabille assez soucieux. C’était la poterne qui était visée, toujours. Que