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Page:Leroux - Le Château noir, 1933, Partie 2.djvu/169

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LES DERNIÈRES CARTOUCHES

chose de peu ordinaire… je ne sais pas ce qu’ils nous ont préparé… »

Ce disant, il finissait tout doucement de tirer à lui, près des créneaux et du bouclier de pierre, les munitions accumulées dans l’échauguette…

« Comme c’est certainement à la poterne qu’ils en veulent encore, nous ne pouvons pas être mieux qu’ici pour voir et pour tirer.

— Ça, nous sommes au premier rang des fauteuils d’orchestre, dit La Candeur, que la ripaille de cette journée mémorable avait mis tout à fait en forme.

— La belle lune ! fit Vladimir…

— Silence !… ordonna Rouletabille, je les entends !…

— Moi, je n’entends rien, affirma La Candeur.

— Tu n’entends rien parce que tu parles ! Tais-toi !…

— Bien, je me tais !…

— Il est ivre ! dit Vladimir, ne faites pas attention !… »

Rouletabille se retourna furieux sur eux :

« Tenez, fit-il, voilà pour vous dégriser ; regardez-moi ça !… Regardez-moi ce qui s’avance là, en face de la poterne… Qu’est-ce que c’est que ça ?…

— Bon Dieu ! fit La Candeur, moi ça me fait peur !…

— À moi aussi… » annonça Vladimir.

Et, de moins en moins rassurés, ils allongèrent le cou entre les créneaux, pour mieux voir cette forme inconnue… extraordinaire, qui glissait, qui s’avançait, au delà de la porte du chemin de ronde… qui débordait dans le chemin de ronde… et qui marchait à petits pas comme une bête monstrueuse !… Et cette bête avait mille pattes !… On eût dit une gigantesque chenille, haute de cinq pieds environ, au dos velu.

La lune éclairait le monstre qui avançait toujours, du même mouvement lent et régulier.

Tout à coup, Rouletabille cria :

« Le chat !… »

En effet, c’était bien un « chat », le chat de guerre de jadis que ces guerriers d’un autre âge avaient fabriqué