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Page:Leroux - Le Château noir, 1933, Partie 2.djvu/178

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LE CHÂTEAU NOIR

du reste, il ne méritait guère. Cet homme était à Ivana. Si elle le voulait, dans quelques minutes, il n’en resterait que des morceaux.

Le reporter demanda si on lui avait donné à manger ; on lui répondit que Gaulow avait refusé toute nourriture. Peut-être craignait-il le poison.

Pour qu’il fût mieux gardé, et sous la responsabilité de tous, Rouletabille transféra le quartier général de la salle des gardes dans cette pièce du troisième étage où gisait Gaulow. Ainsi le prisonnier ne restait jamais seul et jamais longtemps en tête à tête avec un seul gardien. Le katerdjibaschi fut envoyé dans l’échauguette, relevant Tondor, loin des tentatives de séduction de Kara Selim.

Toute la nuit, chacun travailla activement dans le donjon, préparant la défense de chaque marche, de chaque couloir, de chaque chambre. Les dernières réserves furent transportées sur la plateforme, dont l’accès par l’échauguette devait être rendu presque impossible par la suppression de quelques marches.

L’ennemi ne tenta rien cette nuit-là. Il attendait son canon, qui ne devait pas tarder à arriver. Comme l’avait prévu Rouletabille, la pièce d’artillerie fit son entrée à la Karakoulé au lever du jour. Elle fut saluée par les cris joyeux et les hourras de toute la soldatesque de la bâille : et du coup, les assiégés surent le sort qui leur était réservé.

Du donjon, ils entendaient des clameurs de féroce allégresse qui annonçaient leur prochain supplice.

En vain leurs regards faisaient-ils le tour de l’horizon… Le fond des défilés restait vide et les cimes ne se garnissaient point de ces troupes en marche qu’ils attendaient d’heure en heure, avec une impatience épuisante, un espoir toujours déçu.

Devaient-ils se résoudre à mourir ? Ce 21 octobre verrait-il la fin de leur résistance ? En tout cas, ils étaient décidés à vendre chèrement leur vie.