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Page:Leroux - Le Château noir, 1933, Partie 2.djvu/177

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LES DERNIÈRES CARTOUCHES

mais vous m’aviez dit que nous pouvions être sûrs du katerdjibaschi…

— Sans doute ! autant qu’on peut l’être d’un pauvre homme à qui l’on offre un million !…

— Gaulow lui a offert un million ?…

— Je l’ai entendu de mes oreilles !…

— Et le katerdjibaschi, comme vous le voyez, a résisté…

— Il a résisté parce qu’il ne croit pas que l’autre, une fois libre, tienne sa parole…

— Un million !… À ce prix-là, j’aimerais mieux ne pas lui donner de gardien du tout !… Ce serait plus sûr !…

— Faites ce que vous voudrez !… dit Ivana, d’une voix grave… Mais ne le laissez pas partir !… Ça, petit Zo, je ne vous le pardonnerais pas !… »

Et elle s’en alla après avoir jeté un dernier coup d’œil au prisonnier, un coup d’œil terrible…

Rouletabille eut alors la curiosité de regarder Gaulow d’un peu près pour savoir si elle ne l’avait pas torturé… Il n’y paraissait point. Gaulow ne se plaignait pas, il ne gémissait pas, il ne réclamait rien. Il avait, dans sa mauvaise fortune, gardé tout son orgueil et presque toute sa noblesse.

Bien qu’il passât presque toutes les heures de sa captivité dans une position des plus douloureuses, les membres liés, il ne consentait point à faire part de ses souffrances. Son visage restait impassible, les traits immobiles comme s’ils avaient été creusés dans le marbre. Le plus souvent il avait les paupières closes ; quelquefois il regardait ses geôliers avec une fixité éblouissante et insoutenable.

Rouletabille, dans le moment, considérait ce grand corps abattu, étendu à ses pieds. En dépit de cette misère et de la saleté qui recouvrait cette magnifique défroque, c’était toujours le beau Gaulow. La tête était superbe.

Rouletabille ne lui adressa point la parole, Que lui eût-il dit ? Il ne pouvait point lui promettre un salut que,